Intel face à son destin : une décennie d’erreurs stratégiques et une perte record de 1,6 milliard de dollars.
Intel, autrefois symbole incontesté de l’innovation dans les semi-conducteurs, traverse une crise sans précédent. Avec l’annonce choc d’une perte de 1,6 milliard de dollars pour l’été 2024, et le départ inattendu de son CEO, Pat Gelsinger, après seulement quatre ans à la tête, le géant californien est aujourd’hui à un tournant critique.
Si cette crise semble soudaine, elle est le fruit d’un enchaînement d’erreurs stratégiques qui remontent à près de dix ans. Et alors que ses concurrents Nvidia et AMD prospèrent dans des secteurs clés comme l’intelligence artificielle et les serveurs, Intel semble à la traîne, embourbé dans ses propres choix.
Une décennie de faux pas stratégiques.
Le début des années 2010 semblait pourtant prometteur pour Intel. Leader incontesté sur le marché des processeurs pour PC, la société dominait également les segments professionnels. Mais c’est précisément cette position dominante qui a conduit à un excès de confiance et à une série de paris mal calculés.
En 2015, Intel investit 25 millions de dollars dans Vuzix, une entreprise spécialisée dans les lunettes connectées, alors que l’échec des Google Glass était déjà acté. Dix ans plus tard, ce segment reste marginal, largement éclipsé par des produits plus aboutis comme les lunettes connectées de Meta.
En 2016, l’entreprise échoue à s’adapter à la montée en puissance de l’architecture ARM, adoptée par la majorité des smartphones et tablettes. Sa tentative de s’imposer sur le marché mobile avec un processeur x86 se solde par un fiasco retentissant.
L’une des erreurs les plus coûteuses arrive en 2019 lorsque Intel vend sa division de modems 5G à Apple, incluant un portefeuille de brevets qui pourrait permettre à la firme de Cupertino de produire ses propres puces réseau. Ironie du sort, Intel se retrouve désormais dépendant de son rival TSMC pour ses propres besoins de fabrication.
Un modèle d’affaires en crise.
En 2024, Intel subit une chute vertigineuse de sa valorisation boursière, perdant plus de 50 % en onze mois. La raison ? Une incapacité à suivre le rythme de ses concurrents dans des domaines cruciaux. Nvidia et AMD dominent le marché des serveurs, segment clé pour l’intelligence artificielle et le traitement des données. Nvidia, par exemple, bénéficie de revenus astronomiques grâce à ses GPU, indispensables pour les modèles d’IA comme ceux développés par OpenAI.
Face à cela, Intel tente de compenser en se repositionnant sur le segment des usines « made in USA ». Mais cette stratégie, qui mise sur un retour à la production domestique dans un contexte de tensions géopolitiques, reste à haut risque. Les premières puces issues de ces nouvelles infrastructures ne devraient voir le jour qu’en 2026, bien trop tard dans un secteur où l’évolution se mesure en mois, pas en années.
Des investisseurs inquiets et une restructuration douloureuse.
Pour apaiser les investisseurs, Intel prévoit des coupes drastiques, dont le licenciement de 18 000 employés et une réduction des coûts de 25 milliards de dollars. Mais ces mesures suffiront-elles ? Les analystes restent sceptiques.
Le Chips Act, censé soutenir la production de semi-conducteurs aux États-Unis, impose à Intel de conserver au moins 50 % de son activité de fonderie pour bénéficier des aides gouvernementales. Pourtant, cette division a généré une perte de 11 milliards de dollars cette année. Un dilemme cornélien pour le prochain dirigeant de l’entreprise.
Quel avenir pour Intel ?
Alors que Nvidia et AMD consolident leur position, Intel est à la croisée des chemins. Devrait-elle abandonner son activité historique de fonderie pour se concentrer sur la conception et la monétisation de brevets technologiques, à l’image de ses rivaux ? Ou persister dans une stratégie à long terme qui semble de plus en plus intenable ?
Le départ de Pat Gelsinger marque la fin d’une ère, mais peut-être aussi une opportunité de réinventer Intel. Avec des pressions accrues de la part des investisseurs activistes et une concurrence plus féroce que jamais, la question n’est pas seulement de savoir si Intel peut se relever, mais à quel coût
Intel joue désormais sa survie dans une industrie où les champions de demain doivent anticiper les changements d’aujourd’hui. Sera-t-elle capable de retrouver son statut d’innovateur ou continuera-t-elle à glisser dans l’oubli ? Le compte à rebours est lancé.
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